Un cours de religion plutôt que des discours simplistes

Publié le 25 mai 2023
dans Démocratie & Citoyenneté
par Gaspard Isabelle

Un cours de religion plutôt que des discours simplistes

Jusqu’il y a quelques années, les écoles de l’enseignement officiel en Fédération Wallonie-Bruxelles organisaient deux heures de morale ou deux heures de l’une des religions officiellement reconnues en Belgique, jusqu’à ce que n’éclate la fameuse saga autour du “cours de rien”. Cette saga avait, rappelons-nous, précédé la mise en place du cours de citoyenneté devant remplacer une heure de religion ou de morale (dans l’enseignement libre catholique, on dispense toujours le seul cours de religion catholique). Des mauvaises langues allaient, à l’époque, jusqu’à prétendre qu’on y apprendrait par exemple à se brosser les dents…

À l’origine de cette tempête politico-médiatique, un arrêt du Conseil d’État donnant raison à un couple de parents dénonçant le caractère engagé et non neutre du cours de morale dispensé jusqu’alors dans les écoles publiques. S’ensuivit alors une vaste campagne de lobbying qui aboutit à la mise en place de ce cours de citoyenneté à raison d’une heure par semaine et d’une autre heure, soit de religion, soit de morale laïque. Cette réforme a également permis, aux parents ne souhaitant pas que leur progéniture suive cette dernière heure, de les inscrire à la place à une deuxième heure de citoyenneté. Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de rappeler que c’est également à cette époque que l’on entendit les premiers discours militants revendiquant un caractère facultatif pour les cours de religion.

 

Parmi les nombreux amalgames qui sont faits à propos du cours de religion, il y a son prétendu caractère catéchétique. S’il fallait encore le rappeler, ce cours s’appuie sur un programme reconnu et sur lequel se base l’inspection scolaire. Cet enseignement du fait religieux a pour mérite de faire d’abord découvrir aux élèves les racines d’une religion avant de leur proposer de s’ouvrir, plus tard dans leur parcours scolaire, au dialogue interreligieux et au questionnement philosophique.

Le débat autour du cours de religions soulève indéniablement une série de questions dont nous ne retiendrons ici que quelques-unes. Souhaite-t-on ainsi voir émerger des générations de citoyens acculturés sur le plan religieux ou ne connaissant plus leurs racines qu’elles soient judéo-chrétiennes ou non, ne comprenant plus les symboles des œuvres d’art suscitées par la foi d’artistes croyants ? Pouvons-nous vraiment considérer que la religion relève de la seule sphère privée alors qu’elle “relie” des personnes qui partagent une certaine lecture du monde, une culture commune et jette des ponts avec d’autres croyances ? Ou pour reprendre les termes de Paul Ricœur : “la démocratie exige à la fois des règles, des procédures pour arbitrer les conflits mais aussi des convictions, des valeurs pour soutenir et orienter les arbitrages”. N’est-ce pas le propre des religions nourries par une vraie connaissance de base de leurs réalités que de permettre l’émergence de convictions et de valeurs ?

N’encourt-on pas au final des risques en n’enseignant plus ouvertement le fait religieux de manière cadrée selon les standards du monde scolaire ? Certains n’iront-ils pas trouver cet “enseignement” ailleurs, c’est-à-dire “là où ils le pourront” sans aucune certitude quant au degré de qualification des formateurs, à la qualité des savoirs religieux dispensés, aux objectifs des apports (ouverture aux questions religieuses dans le respect de la liberté du jeune ou prosélytisme qui entraîne dans les choix des familles) ? Refuser l’existence d’une réalité ne l’annule pas mais ne lui permet pas de trouver une expression propre dans la diversité de la société. Etienne Mivchel, directeur général du Secrétariat général de l’enseignement catholique ne disait pas autre chose il y a plus de 10 ans. “La relégation du religieux dans la sphère privée n’offre aucune solution à l’égard des risques de dérive fondamentaliste. Plutôt un vrai cours de religion, donné par quelqu’un de formé, que des discours simplistes tenus dans des arrière-salles de café”.

La religion mérite mieux, beaucoup mieux que cela. Certes, son enseignement reste un défi de tous les jours dans un contexte, où comme pour les autres matières, la pénurie d’enseignants est criante. Mais le jeu en vaut (toujours) la chandelle, puisqu’en connaissant mieux ses propres racines, on peut ensuite plus facilement s’ouvrir à celles des, autres, qu’ils soient croyants ou non.

Source : La Libre