Pascal Smet a-t-il eu raison de rebaptiser les Journées du patrimoine en Heritage Days ?
Publié
le
25 août 2021
dans
Culture
par
Guillaume
Dos Santos
Rien n’est plus étranger à la notion de patrimoine que cette obsession lexicale contemporaine visant à redéfinir le passé à l’aune des prismes de pensée actuels.
Le langage dit certes quelque chose de nous, de qui nous sommes, et du monde dans lequel on le parle. En extirper les éléments dont l’étymologie nous incommode - tel que le mot patrimoine - ne change pourtant rien au passé lui-même : tout au plus ce révisionnisme linguistique nous rend-il sourd à ce que celui-ci a à nous dire.
Qu’est-ce que le "patrimoine" ? Aux yeux de l’Unesco, rien de moins que "l’héritage du passé dont nous profitons aujourd’hui et que nou stransmettons aux générations à venir. Nos patrimoines culturel et naturel sont deux sources irremplaçables de vie et d’inspiration." À l’instar de ce que Hannah Arendt nomme les "oeuvres culturelles", le patrimoine traverse les siècles pour nous interroger, ébranler nos certitudes : il possède ce pouvoir spécifique "d’arrêter notre attention et de nous émouvoir".
Proposer ce patrimoine dans un nouvel emballage plus "inclusif" et plus smart - l'anglais étant de mise - est certes plus commode pour notre sensibilité postmoderne, mais cela n'a pas grand-chose à voir avec cette cultura animi qu'évoque Arendt dans ses écrits : "une attitude qui sait prendre soin, préserver, et admirer les choses du monde", qui nécessite de savoir "prendre distance", de s'effacer soi-même face à la beauté.
Tout autre est en effet l’attitude du politique qui ne voit le monde qu’à travers le prisme biaisé de son idéologie et qui importe ses combats jusque dans la langue qu’il parle. Continuer à traquer inlassablement et à bannir du langage la trace sémantique du père et du masculin, sous le prétexte de la lutte - légitime - contre le sexisme est une quête à laisser à ceux qui ont du temps à y consacrer en cette période mouvementée. Mais c’est une quête illusoire et vaine, qui révèle davantage sur ceux qui la mènent et leur aspiration radicale à une hypothétique pureté idéologique, qu’elle ne produira d’effets réels pour les victimes de sexisme.
Source : La Libre