Le don est un geste révolutionnaire

Publié le 29 janvier 2023
dans Vivre ensemble
par Laura Rizzerio

Le don est un geste révolutionnaire

Au long des jours de pluie, de neige ou de gel, l’hiver file entre nos doigts. Voici déjà que vient, ce deux février, la fête de la Chandeleur. J’aimerais cependant revenir sur les fêtes passées. Peut-être ont-elles laissé en nous un goût de bonté, de concorde et de paix qu’aurait fait naître Noël. C’est en effet ce désir de paix et de bonté que cette fête réveille chaque année. Peut-être est-ce parce que Noël est par excellence la fête du don ; le don impensable de Dieu qui élit sa demeure dans l’humanité, diront les chrétiens. L’irruption dans le quotidien d’une espérance, d’une bonté et d’un partage qui triomphent de tous ses contraires, diront les autres. C’est d’ailleurs pour cela qu’on a pris l’habitude de s’échanger des cadeaux et des vœux à Noël, offrant à cette fête un caractère proprement révolutionnaire.

Car qu’est-ce que le don ? Quand il est vrai et sincère, l’acte de donner nous sort de la logique du profit qui dicte sa loi à notre société. Celui qui offre donne ce qui lui appartient et cela simplement parce qu’il choisit son interlocuteur comme l’unique fin de son acte. C’est d’ailleurs ce qui différencie le don de l’échange : la personne qui reçoit se découvre investie d’une valeur sans prix ; elle est une fin en soi et non un moyen pour obtenir autre chose.

Mais le don doit aussi être reçu, et c’est là sa seconde et exigeante caractéristique. L’accueil du don exige en effet que celui qui reçoit reconnaisse l’intention totalement gratuite de celui qui offre. Le donateur est alors vu à son tour comme quelqu’un qui porte en lui une valeur qui n’a pas de prix. À travers ce geste l’intérêt est balayé, une communauté profonde et intime se crée, et chaque personne se voit reconnue dans sa dignité propre et inaliénable : jamais plus elle ne sera qu’un moyen.

Dès lors, ne serait-ce pas en reconnaissant la pertinence de cette expérience du don dans nos vies que nous pourrions mieux comprendre à quel point les actes qui se veulent exclusivement dictés par l’intérêt individuel ou par le désir d’obtenir plus de pouvoir et d’argent conduisent nos vies non pas à la réussite mais à leur perte ? Certes, l’expérience du don est particulière et elle ne peut pas être appliquée à toutes les situations de la vie, car celle-ci est faite aussi de relations d’échange et d’amitié qui exigent réciprocité et équité, ou de relations nécessairement asymétriques où l’un de deux partenaires exerce inévitablement sur l’autre un certain “pouvoir” (comme dans la relation entre enseignant et élève, entre parents et enfants, entre soignants et soignés, etc.). Cependant, dans toutes ces relations aussi, l’expérience du don a quelque chose à nous apprendre. Car, en tenant compte de ce qu’elle révèle à propos de qui nous sommes et de la valeur que chacun porte en soi, on peut faire en sorte que dans tous les actes et les choix que nous allons poser, la reconnaissance de la dignité de chacun prime sur toute autre forme d’intérêt, et que le “pouvoir” dont on est chargé soit exercé au service de ceux à qui les actes s’adressent, dans la plus grande sollicitude envers ceux qui sont confiés à nos responsabilités.

 

Source : La Libre