Le «Covid long», une pandémie silencieuse
Publié
le
28 mars 2023
dans
Coronavirus
par
Aneta
Mathijsen
Le mois dernier, la Commission européenne (DG Santé) a organisé, avec des partenaires américains, une conférence en ligne sur le « Covid Long ». Plus de 800 participants (scientifiques, politiques et praticiens) de toute l’Europe étaient présents. L’intérêt avait dépassé toutes les attentes, tant du côté européen que du côté américain. Déjà, lors de l’audition du Congrès américain en juillet 2022 sur « comprendre et traiter le Covid Long et ses conséquences sanitaires et économiques », l’urgence d’agir sur le Covid Long avait été soulignée en raison du fardeau sanitaire et économique à long terme. Aujourd’hui, cette même urgence s’applique à l’Europe.
En effet, alors que de nombreuses personnes se rétablissent complètement du Covid-19 en quelques semaines, d’autres ont des symptômes qui persistent ou réapparaissent des mois ou même des années après. Que l’infection au Covid-19 ait été légère ou grave, elle peut donc entraîner des symptômes durables. Les symptômes persistants les plus couramment décrits sont la faiblesse, le malaise général, la fatigue, les troubles de la concentration et l’essoufflement. Les symptômes peuvent être nouveaux, après la guérison initiale d’un épisode aigu du Covid-19, ou persister depuis la maladie initiale. Ils peuvent également fluctuer ou rechuter avec le temps. Les enfants et les adolescents font également l’expérience du Covid Long. Dans une méta-analyse publiée en juin 2022 par Lopez-Leon et son équipe, la prévalence du Covid Long chez les enfants et les adolescents était de 25 %. Chez eux, les manifestations cliniques les plus fréquentes étaient les troubles de l’humeur tels que la tristesse, des tensions, de la colère, de la dépression et de l’anxiété. S’y ajoutent la fatigue, les troubles du sommeil, des difficultés à se concentrer et d’apprentissage, confusion et pertes de mémoire.
En Europe, 17 millions de personnes luttent contre le Covid Long, selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publié le 13 septembre 2022. À l’échelle mondiale, 144 millions de personnes ont présenté un ou plusieurs des trois symptômes (fatigue, problèmes cognitifs et problèmes respiratoires persistants) d’un Covid Long en 2020 et 2021 et 15 % continuaient à présenter des symptômes douze mois après. La plupart des cas provenaient d’infections légères.
Des risques neurologiques et psychiatriques
Une étude menée par des chercheurs de l’Université d’Oxford auprès de plus de 1,5 million de personnes (publiée dans Lancet Psychiatry en 2022) démontre que les risques neurologiques et psychiatriques liés au Covid étaient importants et que les affections les plus graves – telles que les troubles psychotiques, le déficit cognitif, la démence, l’épilepsie ou les convulsions – peuvent persister pendant deux ans. De plus, le fait que les résultats neurologiques et psychiatriques étaient similaires pour les variants Delta ou Omicron indique que le Covid Long pourrait continuer à peser sur le système de santé, même avec des variants moins graves. Et, si les enfants ont un profil global de risque psychiatrique plus faible que les adultes, l’augmentation de certains diagnostics psychiatriques plus élevés chez eux est préoccupante. Enfin, l’Association Internationale de la maladie d’Alzheimer indique que certaines recherches ont démontré un lien entre les infections au Covid et la probabilité de développer des symptômes de démence précoce.
Risques de rechute
Si le Covid Long pèse lourdement sur les personnes touchées, il représente également un risque pour les entreprises et les économies. En effet, en raison de la durée et de l’impact des symptômes, le retour au travail doit parfois se faire par étapes, également appelé « retour progressif » selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA). Il faudra en moyenne trois mois au lieu de quatre semaines avant de revenir aux heures de travail habituelles. De plus, les personnes atteintes de Covid Long ont tendance à rechuter si elles se surmènent et l’EU-OSHA leur recommande de ne pas travailler à plus de 70 % de leur capacité pour éviter de rechuter et de retarder la guérison. « Ceci suggère la nécessité d’une politique spécifique au sein des entreprises, ou du moins une reconnaissance explicite de la maladie du Covid Long dans les politiques existantes en matière d’arrêt maladie », précise encore l’agence européenne.
Handicap professionnel…
Dans de nombreux pays, les gouvernements et les tribunaux n’ont pas encore précisé dans quelle mesure le Covid Long doit être traité comme un handicap ou une maladie professionnelle. Si le Covid Long n’est peut-être pas un handicap en soi, ses effets potentiellement débilitants sur la vie des personnes peuvent être invalidants. Wulf Hanson et son équipe (2022) ont estimé le quotient d’invalidité du Covid Long à 0,231, ce qui équivaut au handicap causé par des douleurs cervicales graves, la maladie de Crohn ou les conséquences à long terme d’une lésion cérébrale traumatique.
… et social
Il y a aussi un handicap social puisque les personnes atteintes du Covid Long peuvent subir un isolement social, une stigmatisation et une perte d’identité sociale en raison de leur incapacité à travailler, à maintenir leurs relations, à prendre soin de leur famille, à faire de l’exercice, etc. Ce qu’il faut maintenant, c’est une volonté politique concertée d’agir au profit des millions de personnes qui sont ou seront handicapées à la suite de cette pandémie mondiale. Le Covid Long doit donc être légalement reconnu comme invalidant.
A l’heure actuelle, le citoyen belge peut déjà bénéficier de certains soins médicaux et paramédicaux. Les patients qui souffrent de différents symptômes liés au Covid trois mois après avoir contracté la maladie pourront se voir rembourser la kiné, la logopédie et/ou les soins psychologiques. Si nécessaire, ils pourront aussi être remboursés des prestations en diététique ou en ergothérapie. De plus, à partir du 1er décembre 2022, les soins neuropsychologiques sont intégrés dans la liste des frais de santé remboursés puisque beaucoup de patients atteints du Covid Long souffrent de problèmes de concentration ou de mémoire.
Un problème de santé publique
La reconnaissance du Covid Long comme véritable problème de santé publique, sa classification comme invalidant – voire comme handicap – ainsi que la prise en charge médicale des personnes qui en souffrent, doit être une urgence nationale et internationale. Une approche centrée sur la personne globale et multidisciplinaire (des interventions qui sont fournies en étroite collaboration avec les soins de santé primaires et plusieurs médecins spécialistes) – est probablement la mieux ajustée au Covid Long.
Source : Le Soir