L'Église doit-elle bénir les unions homosexuelles?
Publié
le
12 avril 2021
dans
Société
par
Xavier
Dijon
Non, pour Xavier Dijon, prêtre jésuite et auteur de "La Raison du corps" aux éditions Bruylant.
"L’Église considère que l’union homosexuelle n’est pas en tant que telle un chemin de sainteté. Mais attention, cela ne veut pas dire que les personnes homosexuelles ne peuvent pas devenir saintes : un homosexuel qui soigne son compagnon malade durant des mois est plus saint que moi."
Le 15 mars dernier, la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), qui a pour mission, à Rome, de "protéger et promouvoir la foi catholique", publiait une note rappelant ce qui fut toujours la position de l’Église : elle ne bénit pas d’unions homosexuelles car elles ne sont pas "ordonnées au dessein" de Dieu, au contraire "de l’union d’un homme et d’une femme, ouverte en soi à la transmission de la vie". Comment pouvez-vous nous aider à comprendre la position du Vatican ?
Une bénédiction est un acte qui engage l’Église, car elle donne à travers lui un signe de la grâce de Dieu. L’Église bénit donc des réalités qui sont bonnes : le repas, ou une maison par exemple. Dans la mesure où l’union homosexuelle - au jugement de l’Église et indépendamment des intentions subjectives des deux partenaires - ne correspond pas au plan de Dieu qui a créé l’être humain homme et femme, il est difficile de bénir cette réalité-là. Mais attention, on peut certainement bénir une personne homosexuelle, et le refus de la bénédiction de l’union comme telle n’est en rien un jugement porté sur ces personnes.
Les personnes homosexuelles n’ont pas choisi leur homosexualité. Tout en disant que l’Église ne les marie pas, ne peut-elle pas, au moins, bénir leur union en reconnaissant que celle-ci peut être un chemin de bonheur et de sainteté ?
La sainteté n’est pas seulement une affaire de bonnes intentions subjectives, et il y a selon l’Église une contradiction objective entre l’union homosexuelle et ce que Dieu révèle de lui-même et de nous dans la Bible. Cela ne veut pas dire que les personnes homosexuelles ne peuvent pas devenir saintes, mais que leur union n’est pas en tant que telle un chemin de sainteté.
Si ce n’est pas dans le dessein de Dieu, pourquoi permet-il l’homosexualité ?
Parce que Dieu permet tout. Il nous laisse libres. Il permet aussi le péché, la guerre, la violence. Mais ce n’est pas parce que je sens une attirance en moi qu’elle est juste. Dire que l’homosexualité est un péché est sans doute dit de manière trop brutale mais, de nouveau, cette phrase ne veut pas dire que tous les homosexuels sont des pécheurs. En ce sens-là, la question du pape François "Qui suis-je pour juger ?" est juste. Or, ce n’est pas parce que je refuse de juger les personnes que je ne peux pas dire qu’objectivement l’homosexualité est un désordre.
Mais pourquoi un désordre ?
L’Église affirme la radicale complémentarité homme femme qui se marque dans le corps. Une telle complémentarité est cependant difficile à comprendre car, de nos jours, nous ne voyons plus guère la part de raison qui se trouve dans le corps ; dans la bioéthique d’aujourd’hui, par exemple, nous avons trop tendance à considérer le corps comme un instrument technique au service d’un désir seulement subjectif. Or, pour l’Église, le corps a une très haute dignité : il exprime le don que Dieu fait, à nous les humains, de donner la vie dans l’amour, comme le fait d’ailleurs Dieu lui-même. Le fait que les corps de l’homme et de la femme sont "architecturés" de la façon dont ils le sont en vue de l’union et en vue du don de la vie a un sens, et c’est ce sens-là que défend l’Église.
N’est-il pas terrible, pour les personnes homosexuelles, d’être rangées parmi les pécheurs, aux côtés des hommes qui trompent leur femme ou volent leur voisin ? Et l’Église n’est-elle pas plus sévère avec eux qu’avec ceux qui fraudent le fisc par exemple ?
Non. Comprenons bien qu’à travers ce document l’Église montre une voie qui ne lui semble pas bonne, mais qu’elle ne juge pas les consciences. Un homosexuel qui soigne son compagnon malade durant des mois est plus saint que moi. Dire l’un n’empêche pas de dire l’autre. Par ailleurs, en ces temps où la solidarité se délite, il ne serait peut-être pas inutile de rappeler que la fraude fiscale est un péché contre la justice contributive…
Source : La Libre