Et s’il suffisait d’observer le cycle féminin pour maîtriser sa fertilité ? Ces méthodes de contraception naturelle à envisager

Publié le 28 février 2021
dans Bioéthique
par Anne-Catherine Tiri-Lantin

Et s’il suffisait d’observer le cycle féminin pour maîtriser sa fertilité ? Ces méthodes de contraception naturelle à envisager

Un article de Laurence Dardenne.


"On veut du bio dans nos assiettes, pourquoi pas du naturel sous la couette ?" Voilà une proposition autant tendance que tentante…

À une époque où certaines méthodes contraceptives demeurent taboues - surtout côté masculin pour ne citer que la vasectomie, l’anneau thermique ou… le slip chauffant -, "après la ‘révolution sexuelle’ des années 1960, pourquoi pas la ‘révolution naturelle’ des années 2020 ?", interrogent les défenseurs des MOC, ou Méthodes d’observation du cycle féminin, qui permettent de savoir au jour le jour si un rapport sexuel est susceptible de conduire à une fécondation.

Plutôt que prendre un médicament qui modifie le cycle ou se faire placer un corps étranger dans l’organisme, cette approche, qui se dit plus fiable que le retrait (coït interrompu) ou Ogino (méthode du calendrier) et qui se base sur l’observation du cycle féminin, consiste en effet à distinguer les jours fertiles et infertiles afin que le couple puisse adapter son comportement en fonction de son souhait : éviter ou obtenir une grossesse.

Température et glaire cervicale à la loupe

Comment faire cette distinction ? En apprenant à scruter scrupuleusement deux indicateurs. D’une part, la température corporelle, qui augmente légèrement après l’ovulation et qui peut être mesurée. Et, d’autre part, en surveillant de près la glaire cervicale, un fluide sécrété par le col de l’utérus, dont la présence et l’aspect évoluent au long du cycle et qui est essentiel pour concevoir un enfant.

Rappelons à ce propos que, s’il varie d’une femme à l’autre mais aussi d’une fois à l’autre au cours d’une vie pour une même femme, le cycle menstruel répond à des lois physiologiques naturelles. Il se déroule avant et après l’événement central que représente l’ovulation. Au cours d’un cycle menstruel, seuls 7 à 8 jours seront en général considérés comme fertiles, correspondant à la durée de vie des spermatozoïdes avant l’ovulation jusqu’à la confirmation que l’ovulation a bien eu lieu. Le corps de la femme envoie des signaux de début et de fin de cette période fertile tels que la glaire cervicale, la température, la sensation d’humidité à la vulve ou encore l’ouverture du col de l’utérus.

Autant de signaux que la femme peut assez facilement apprendre à reconnaître. Et si celle-ci peut les ressentir et les observer, pour savoir si elle est en période féconde ou non, son partenaire peut aussi être attentif aux modifications qui interviennent au cours du cycle.

"Ce qui ouvre des perspectives réjouissantes pour le couple", soulignent les adeptes des MOC, convaincus que "les couples qui pratiquent ces méthodes se connaissent mieux, se font davantage confiance et voient leur amour grandir".

Quid de la fiabilité ?

Mais qu’en est-il de la fiabilité ? "Elle est comparable à celle de la pilule", assurent-ils en se référant à des études scientifiques et à l’Organisation mondiale de la santé.

Si ce point doit être nuancé (lire par ailleurs), par contre, un avantage indiscutable des MOC est le fait qu’elles sont "immédiatement réversibles en cas de désir d’enfant et ne comportent aucun effet secondaire".

Quant à savoir si ces méthodes d’observation du cycle sont faciles à apprendre et à maîtriser ? " S’observer peut sembler difficile au départ , explique Anne-Catherine Tiri-Lantin, instructrice FertilityCare, mais, une fois que les principes sont acquis, ce n’est pas plus compliqué que de se brosser les dents. Pour ce faire, le couple devra se former auprès de personnes qualifiées, comme des instructrices ou des couples moniteurs (lire encadré ci-dessus). Mais il deviendra vite autonome dans la connaissance de sa fertilité, s’affranchissant ainsi de prescriptions médicales à renouveler ."

"De toute ma carrière, longue de 30 années, je n’ai eu qu’une patiente qui m’a demandé des infos sur les MOC", nous dit le Pr Aude Béliard, gynécologue-obstétricienne, responsable du département de la mère et de l’enfant au Centre hospitalier Bois de l’Abbaye à Seraing.

"Peut-être que les patientes ne font pas appel aux gynécologues pour ce type de pratiques. D’autre part, nous ne sommes pas spécialement formés même si on peut expliquer ces méthodes. En pratique, j’explique à mes patientes le fonctionnement du cycle et la période fertile beaucoup plus pour aider à concevoir que pour ne pas concevoir. Peut-être que les plannings familiaux conseillent ces méthodes ?"

Qu’importe si elle ne les aborde pas dans ses consultations, la gynécologue n’est pas pour autant opposée à ces méthodes, mais à certaines conditions… " En pratique, je pense que les méthodes naturelles ne sont à proposer qu’aux couples motivés et à des personnes en couple, qui ont une vie régulière. Car affirmer que ce n’est pas très compliqué, qu’il suffit d’évaluer la glaire et de prendre la température, c’est vite dit. Il s’agit quand même de prendre sa température tous les jours dans des conditions correctes, c’est-à-dire le matin au réveil avant de se lever, en sachant que la différence de température se joue à un demi-degré. Il s’agit aussi d’être à l’aise avec son corps quand il faut prélever la glaire cervicale et, pour ce faire, enfoncer son doigt jusqu’au col. Ce n’est pas si compliqué que ça, pour autant que l’on ait envie de le faire… N’oublions pas que cela prend plusieurs cycles (en général 6 mois) pour maîtriser les méthodes."

Donc, si cela se fait en respectant scrupuleusement les consignes, oui, "la méthode peut s’avérer efficace , admet le Pr Béliard, mais, si tout n’est pas fait correctement, il y a quand même 7 % de grossesses, alors que le risque pour la pilule ou pour le stérilet est inférieur à 1 %, sauf évidemment si on oublie de prendre sa contraception. Avec les MOC, il faut être conscient au sein du couple de la possibilité d’un échec et avoir envisagé dès le départ comment gérer une grossesse éventuelle (interruption volontaire de grossesse ou pas)".

Chez des femmes en bonne santé et motivées

D’autre part, il faut souligner que ces méthodes ne peuvent être envisagées que chez les femmes en bonne santé et qui ont des cycles réguliers, entre 26 et 32 jours. " En cas d’irrégularités menstruelles, en effet, cette approche n’est pas recommandée, avertit la gynécologue. En plus, il ne faut pas avoir de température, pas d’infection vaginale. C’est exclu en cas de trouble thyroïdien non équilibré, d’ovaires micropolykystiques, d’infection vaginale, car cela va perturber la glaire cervicale."

En conclusion, "si on est motivé, en bonne santé et si la femme a des cycles menstruels réguliers, pourquoi ne pas se tourner vers les MOC", pour le Pr Béliard, qui souligne néanmoins les "bénéfices collatéraux de la pilule", qu’il s’agisse de "diminuer les risques d’endométriose, de kystes ovariens, réguler les cycles, diminuer les règles abondantes, améliorer l’acné… Tout cela, contrairement aux méthodes naturelles, dont les bénéfices sont effectivement de ne prendre aucune médication, de maîtriser sa fertilité. Et, si l’on a bien compris cette méthode, ce sera plus facile le jour où l’on voudra avoir un enfant puisque l’on sait quand on est fertile".

Que faut-il comprendre par "méthodes naturelles" ?

L’expression française "méthodes naturelles" est source de confusion car elle inclut à la fois celles que l’OMS classifie comme "méthodes traditionnelles" et les "Méthodes d’observation du cycle" (MOC).

Les méthodes dites traditionnelles comprennent, d’une part, la méthode du calendrier (ou Ogino), qui consiste à compter les jours afin d’estimer le jour d’ovulation et de s’abstenir de rapports sexuels pendant les jours statistiquement prédits comme fertiles, et, d’autre part, la méthode du retrait (ou coït interrompu). Leur efficacité reste relativement faible puisque, selon l’OMS, si l’efficacité théorique est de 91 à 96 %, en pratique, l’efficacité est plutôt de l’ordre de 73 à 75 %.

Les Méthodes d’observation du cycle (MOC) ou FABM ( fertility-awareness based methods ) sont classées, quant à elles, par l’OMS parmi les "méthodes modernes de contraception" (au même titre que la pilule ou le stérilet en cuivre ou dispositif intra-utérin).

A SAVOIR

Où se former en Belgique francophone ? Pour ce qui est des formations, certaines sont gratuites ou quasi (Billings et Sensiplan) alors que d’autres sont payantes (FertilityCare). 

Billings  Tous les couples moniteurs Billings sont bénévoles. 

Sensiplan  Une formation Sensiplan s’étale sur 4 à 5 rendez-vous pendant 3 cycles menstruels. Les tarifs diffèrent selon le statut et le lieu où pratique la formatrice. 

FertilityCare  L’apprentissage de la méthode FertilityCare avec l’instructrice comprend une session introductive, suivie de 8 rendez-vous étalés sur un an, d’abord tous les 15 jours, puis tous les 3 mois. L’essentiel de l’apprentissage se fait sur les 4 premiers rendez-vous. Chaque rendez-vous coûte 50 €.

Source : La Libre