Ces paradis terrestres que vendent les partis
Publié
le
6 juin 2019
dans
Démocratie & Citoyenneté
par
Constance
du Bus
Les résultats des élections m’ont laissé un profond sentiment de désillusion mais aussi un désir de comprendre ce qu’ils reflètent. Et c’est une logique assez mercantile, je l’avoue, qui m’a mise sur la piste suivante : quelle fut la demande, et quelle fut l’offre ?
Des récits
Prenons les trois partis qui ont vu leur électorat grimper considérablement. Le premier n’hésite pas à s’inscrire dans la lignée marxiste et communiste. Le second se présente comme le seul parti garantissant la sauvegarde de notre planète et le retour au paradis perdu. Le troisième est parvenu à séduire l’électeur flamand à coups lents mais assumés de "Nous d’abord". Je puis me tromper, mais j’ai comme l’impression que tous les trois proposent à l’électeur un véritable récit. Je dirais même une histoire de salut. C’est le privilège du Parti du travail de Belgique (PTB) de placer la foi de ses ouailles dans un monde de parfaite égalité de classe et de richesses entre tous les hommes. Les écologistes prophétisent quant à eux une fin des temps cataclysmique si nous ne nous convertissons pas immédiatement à l’amour de la Terre-Mère en nous amendant, pollueurs miséreux que nous sommes, de nos péchés consuméristes. Pour le Vlaams Belang enfin, la Flandre se voit promettre une gloire et une prospérité durables en s’affranchissant du fardeau francophone et en se gardant bien du péril migratoire ; préserver l’espace vital du Flamand revient ainsi à fermer à double tour à la fois ses portes et son cœur. Bien que placés à l’opposé sur le spectre politique, ces partis se rejoignent pourtant en un point : tous proposent à l’électeur rien de moins que la promesse d’un paradis terrestre.
Et si beaucoup d’électeurs y ont trouvé leur compte, c’est sans doute que l’homme a en lui le besoin essentiel d’une perspective de salut. Cela ne date pas d’hier : il suffit de survoler les mythologies de toutes les époques et de tous les continents pour mesurer l’omniprésence des références au destin.
Or ce serait à mon sens une bien grande illusion que d’attendre de la part de la politique qu’elle nous construise ce paradis sur terre. Tous les régimes qui l’ont promis se sont dramatiquement effondrés en laissant derrière eux larmes amères et peuples dévastés. Avec combien de grandes promesses de rédemption politique se jouera-t-on encore de l’espérance qui anime le cœur de chaque homme ?
Chacun son récit
Remettons à l’honneur la tempérance politique, qui consiste à reconnaître de façon réaliste les limites des hommes et de leur gouvernement. Même si nul effort ne doit être épargné pour gouverner autant que possible selon la justice et le bien commun, ayons l’humilité de ne pas promettre des lendemains qui chantent, pour éviter de récolter en retour les larmes de la colère et les cris de la révolte. J’ai pour ma part l’intime conviction qu’à défaut de se nourrir d’un récit intérieur authentique, les citoyens continueront de tendre les bras vers l’illusion d’un paradis politiquement établi.
En ce qui me concerne, ce n’est pas dans un parti que je placerai mon espérance, mais plutôt dans ce Récit blotti au fond de mon cœur, qui ne se découvre qu’en regardant vers le haut.
Nous avons commémoré jeudi dernier, jour de l’Ascension, la montée au ciel de Celui qui fut le fils adoptif d’un homme humble qui travaillait le bois, lui-même fêté le 1er mai comme saint patron des travailleurs. Lundi prochain, nous nous souviendrons de ce jour où les disciples du Christ furent envoyés à travers le monde pour transmettre la promesse qui leur avait été faite. Ces jours fériés qui ponctuent le printemps nous invitent à redécouvrir le sens d’un autre grand récit, qui nous fait lever le regard vers le haut, avec amour et humilité. Faisons escale pour nous y plonger.
Source : La Libre Belgique